1ère Rencontre Itinérante du Printemps de la psychiatrie en PACA … Les GEMs au rendez-vous
Bien que principalement constitué d’articles originaux,Entraide Mutuelle republiera de temps en temps des articles non parus ailleurs mais diffusés sous d’autres support du type mailing list,.. En voici un premier qui montre bien à quel point les GEMs peuvent aujourd’hui devenir des acteurs essentiels de la psychiatrie...
Paru sur la page Facebook du Printemps de la Psychiatrie
Vers un renouveau du soin psychique en PACA ?
Ce 25 juillet 2019 a eu lieu au C.H. Montperrin (Aix-en-Provence, 13) la première rencontre du Printemps de la psychiatrie en PACA. Rencontre du Printemps parce qu’y ont participé tous ceux qui sont concernés par la psychiatrie : usagers, Gémiens, infirmiers, psychiatres, psychologues, cadres, éducateurs, art-thérapeutes, etc. Rencontre du Printemps parce que six collectifs différents s’y sont retrouvés : USP, serpsy, Point de Capiton, Gem Mine de Rien, Appel des appels, organiz’artistes. D’autres rencontres sont prévues (Montfavet, Edouard Toulouse, Gap, Valvert, Parc des Libertés, etc.).
Organiser une telle rencontre un 25 juillet au soir (17h30-20h) en pleine canicule n’allait pas de soi. Nous aurions pu faire chou blanc et nous retrouver entre organisateurs. Nous étions une quarantaine. Pour une première dans les conditions décrites c’était bien.
La première intervention a posé la question du soin psychique : qu’est-ce qu’on entend par là ? « Tous les mots formés avec le préfixe psykh ou psycho viennent du grec psukh(o) qui signifie « souffle, respiration, haleine » qui s’est dit de la force vitale et de la vie (sentie comme un souffle), de l’âme de l’être vivant, siège de ses pensées, de ses émotions et de ses désirs et qui désigne par métonymie cet être lui-même, l’individualité personnelle, et toute créature vivante douée d’une « âme ». Soigner la psykhé consisterait donc à entretenir la force vitale, l’âme d’un être vivant, siège de ses pensées, de ses désirs, bref ce serait soigner la personne en tant qu’individualité. Le renouveau du soin psychique appelé par les usagers d’Humapsy est une invitation à revenir aux sources du soin. Cette invitation est politique. Allez expliquer à un cadre, un directeur des soins, un administrateur de l’ARS que vous vous occupez de soigner une peau invisible. Quant aux neuroscientifiques de Fondamental cette histoire d’invisible ce n’est pas de l’hébreu mais du grec archaïque. Dépenser de l’argent pour des châteaux en Espagne, fi donc ! Et pourtant comme l’écrit St-Exupéry dans son Petit Prince « l’essentiel est invisible pour les yeux ». Le Petit prince est une histoire d’apprivoisement, d’amour et donc de transfert. Pas besoin d’être un renard pour le savoir. »
Les usagers du Gem Les Hauts de Marseille ont proposé leurs réponses, ceux des organiz’artistes qui sont usagers ont proposé la leur. Sans faire un verbatim de la séance on peut retenir qu’est mis en avant la proximité. Des soignants proches que l’on peut consulter, qui accompagnent au quotidien. Un soin qui ne se limite pas à une consultation par trimestre (psychiatre ou psychologue). Un soin qui met la relation au centre. La relation et la confiance qui en découle. Les soignants y sont ensuite allés de leur propre définition. Les obstacles au soin qu’ils viennent de l’administration ou des soignants eux-mêmes (dans le registre de la pression de conformité) apparurent assez vite.
La deuxième intervention a porté sur les IPA (infirmiers de pratiques avancées en santé mentale). Sous la pression d’une démographie médicale qu’elle a largement contribué à assécher, l’administration crée de toute pièce une profession ( ?), une catégorie d’auxiliaires médicaux (retour d’un terme que les infirmiers exècrent et qu’ils ont combattu pendant les années 90 et 2000), des super-infirmiers (un super-infirmier ne se définit pas par les soins qu’il dispense et les réflexions qu’ils lui inspirent mais par sa proximité avec la science médicale). Les avis sont partagés. Certains sont prêts à tenter l’expérience, d’autres la rejettent au nom de la clinique infirmière en psychiatrie incarnée dans le diplôme d’ISP supprimé dans les années 90. Ceux-là prêtent dix ans de vie aux I.P.A. Si l’administration a supprimé le diplôme d’ISP, elle ne se gênera pas pour faire de même dès que la démographie médicale sera regonflée. Le contenu des deux ans de formation a été présenté. Le verbe connaître y est omniprésent mais on cherchera vainement les termes de soin, de pratique. On doit connaître les psychothérapies mais pas les pratiquer. Là encore un questionnement riche. Des pour (un petit peu), des contres (beaucoup), des critiques qui au vu du contenu de la formation font le constat que le rôle propre infirmier risque d’être enterré. Beaucoup de choses à connaître mais quasiment rien qui concerne le soin et sa pratique. À également été évoquée l’organisation anglo-saxonne qui différencie IPA et cliniciens.
Après la pause, le président et un des animateurs du Gem de Vaison-la-Romaine ont présenté leur fonctionnement. Ils avaient fait deux heures de route et mobilisé un animateur pour pouvoir être présents. L’élément le plus saillant en était l’importance de la solidarité et de l’entraide. Une activité a été présentée (jeu de rôle) et le parcours de quelques Gémiens a été retracé. Le passionnant de l’activité « jeu de rôle » est qu’elle est fabriquée à partir du psychodrame proposé dans un des lieux de soins fréquenté par le président et la pratique théâtrale d’un adhérent. On y oscille entre s’amuser à improviser et entraîner tel ou tel Gémien à accomplir certaines démarches sociales. A également été pointé l’absence de liens entre Gem et psychiatrie publique. Rappelons que l’entraide est une des vertus cardinales des Gems. Prendre des nouvelles d’un collègue hospitalisé, lui envoyer une carte pour lui dire qu’on pense à lui, qu’il a toujours sa place, etc. s’inscrit pleinement dans cette démarche. Thomas, le président, a expliqué en quoi cette démarche l’avait soutenu lors d’une hospitalisation. On peut affirmer que la déstigmatisation passe par là également. Si les soignants sont parfois prompts à parler d’empowerment et d’autonomisation, il y a aussi du retard à l’allumage. C’est comme ces lieux orientés rétablissement qui utilisent isolement et contention. A quoi sont confrontés les Gémiens ? A l’impossibilité de prendre des nouvelles d’un collègue hospitalisé, à des visites conditionnées par la rencontre du psychiatre et d’un infirmier, avec la question posée par le psychiatre : qu’est-ce qui nous prouve que vous n’êtes pas une secte ? Ce soutien aux hospitalisés quand les courriers sont bien remis aux patients et les messages transmis jouent après coup un rôle important dans le rétablissement. Encore une fois des échanges intéressants sur ce qui fait soin et sur l’ouverture et la fermeture des lieux de soins à des collectifs d’usagers.
La dernière intervention a mêlé soignants et soignés, tous mobilisés dans l’organisation du festival Toursky à Marseille (le 5eme a lieu début octobre, voir page Facebook). La présentation nous a emmené au cœur du CATTP Lou Blaï, à Marseille, et de son fonctionnement ; un bel exemple de décloisonnement où ce qui importe n’est pas le statut mais le rôle que l’on est prêt à remplir. C’est une réponse intéressante aux aficionados de la remédiation cognitive (ce qui importe ce n’est pas le semblant d’activités centrées sur la réinsertion mais la variété des rôles qu’on occupe pour de vrai). Les exemples des organiz’artistes dont le modèle est issu de la psychothérapie institutionnelle et des deux Gems présents vont dans le même sens. Un des jolis moments a été celui où le Gem Les Hauts de Marseille a proposé aux Organiz’artistes de chanter lors du prochain festival. La réponse en direct a montré que quelque chose circulait là.
Nous avons largement dépassé les 20 heures et nous sommes quittés vers 21 heures. Une rencontre qui fera des petits.
On reprend en septembre.
Dominique Friard, pour serpsy et le Printemps de la psychiatrie