Charlemagne, le plus petit des GEMs

C’est le GEM du centre de Paris, situé à quelques pas du Forum des Halles, point de convergence de tous les RER. C’est ce qui explique qu’il est fréquenté à un tiers par des habitants de banlieues, qui viennent dans celui-ci pour retrouver une atmosphère plus chic que celle qu’ils aurait dans le GEM de leur ville. C’est un GEM où l’adhésion est obligatoire, contrairement à beaucoup d’autres ou un tiers des habitués du lieu ne cotisent pas. Les grands précaires, il y en a eu, qui ont laissé de mauvais souvenirs, ne sont plus trop admis. L’exiguïté des lieux et le fait que le GEM se trouve dans une zone de grand passage à forte misère n’aide pas à la cohabitation des exclus et des troublés psychiques : la fameuse distanciation sociale. N’oublions pas non plus que nous sommes dans un GEM VIP assez bien fréquenté où les différences de milieu d’appartenance peuvent jouer un rôle plus fort qu’en Seine Saint Denis : pas sûr que le clochard des Halles s’entende très bien avec la Kagneuse d’Henri IV, là ou l’immigré de seconde génération va en revanche se sentir une communauté d’esprit avec le sans papier qui a trouvé asile au GEM. 

Il se situe à quelques centaines de mètres du Passage, le GEM du quartier étudiant avec lequel il entretient des relations assez proches, alors qu’il n’en a quasiment pas avec les autres GEM à part celui du Passage qui se trouve de l’autre coté de la Seine. La coordinatrice du lieu et l’animateur du Passage se fréquentent à intervalle régulier. Un cinquième des 70 gémeurs de Charlemagne sont également adhérents du Passage.

Un GEM tourné vers les activités culturelles et extérieures

S’il y a bien une chose qui frappe quand on entre dans Charlemagne, c’est qu’il n’y a qu’une seule petite pièce, certes fort agréable et mieux disposée que celle du GEM d’Advocacy Place des Fêtes… mais c’est encore plus petit. Il n’y a donc pas de cuisine et il ne faut être moins de 10 pour pouvoir s’y mouvoir à l’aise. Les repas froids y sont tolérés, mais le micro onde a été supprimé, à cause des nuisances olfactives. Le GEM dispose bien d’un sous sol, mais il n’est quasiment pas utilisé.

C’est donc un GEM très tourné vers les activités extérieures et l’organisation d’atelier de très grande qualité, comme on le voit à travers son site WEB qui fonctionne un peu comme une vitrine publicitaire : les activités y sont listées avec le nom de la "star" chargée de celle-ci.

Le visiteur remarquera d’emblée les nombreux livres qui parsèment les lieux et sont exposés en vitrine. Le GEM a en effet très longtemps été une librairie de quartier comme l’est toujours le GEM "La Vague à l’âme" à Belleville.

C’est en effet un GEM qui a connu plusieurs vies, une première sous la houlette de Catherine Baillon la compagne du psychiatre défenseur des usagers, le fameux Guy Baillon, qui a dirigé le GEM jusqu’à sa mort en 2012. C’est à ce moment là que le GEM a été repris par Jean François Coldefy, psychologue militant de son état, très impliqué dans le retablissement professionnel, qui a installé en même temps que le GEM une association de ré-insertion dans les mêmes locaux. C’est celle-ci qui a en a fait une librairie. Depuis son départ en 2017, l’activité de vente d’ouvrages a périclité.

Trémine Thierry,« Psychose : comment vivre mieux avec ?, L’information psychiatrique, 2006/2 (Volume 82), p. 171-179. Toute la deuxième partie de l’article raconte l’histoire de l’entreprise d’insertion Etais fondée par Jean François Coldefy et qui a longtemps fonctionné en parallèle au GEM