Jean Baptiste Goupil Lucas Fontaine, son avis sur les GEMs

Chacun ses méthodes de recherche. Une des miennes consiste comme au temps des honnêtes hommes à échanger de façon épistolaire, une façon différente de ce faire la conversation et de réfléchir à plusieurs, une façon comme une autre de retenir les choses et d’entrer dans leur profondeur. Voici donc en PJ un long mail que me fit le psychologue deleuzien et cognitiviste JBGFL, la personne avec qui j’ai le plus échangé de façon écrite sur le sujet. Il faut dire que je n’ai pas trouvé beaucoup d’autres interlocuteurs très bavards.

Documents joints

Messages

  • Bonjour,

    Tout d’abord merci à Stephan, pour ce site que j’aurai apprécié trouver en 2013/2014 (j’écrivais un mémoire de Master 1), puis en 2016 (je reprenais un mémoire professionnel). Je suis Christine Roberto et je viens d’envoyer un mail sur mon expérience en GEM à Nanterre, en espérant que Stephan le publie.

    Pour réagir un peu rapidement aux propos du psychologue deleuzien JBGLF, la personne qui souffre de trouble ou handicap physique n’est pas forcément heureux de sa(ses) différence(s), d’après moi. Ce qui s’est accompli dans le GEM dans lequel j’exerçais m’a permis de constater que dès lors que la personne que vous appelez "le fou", trouve un moteur stimulant à s’intéresser aux petites choses du quotidien (au travers en réalité d’une relation de qualité interindividuelle et groupale, qui repose sur des activité basiques partagées), il fait ensuite le chemin naturel de la socialisation. Et il s’en trouve au final ravi de ne plus se percuter à la violence d’un modèle qui s’oppose systématiquement à lui.

    Personnellement, je ne pense pas que seul l’Etat et sa hiérarchisation soit responsable de la psychiatrie. Ni que les "fous" devraient le rester ou qu’ils préfèrent les guerres, vivant alors mieux leur état. En revanche, les guerres ont souvent contribué à ce qu’ils occupent des fonctions d’entraide qu’on aurait pas imaginer leur confier autrement. Et eux-mêmes comprennent instinctivement le besoin de "survie" du groupe, auxquels ils décident alors de contribuer.

    S’assumant mieux parce qu’ il se perçoit parmi ses pairs, utile et "capable" de ce que même l’institution hospitalière n’a pas forcément l’occasion de stimuler ; une fois acquises ces "capacités d’interaction", croyez-moi qu’il les défend généralement avec fierté. Se présentant mieux parce qu’allant mieux, il s’en trouve mieux compris et accueilli.

    Néanmoins, le travail d’auto-régulation parmi ses pairs a peu de chances d’aboutir, s’il n’est pas un temps accompagné. Prenez une meute de loups ou un bébé, simplement : ils ont besoin de parents jusqu’à leur autonomie. Selon moi, il n’y a de bons "chefs" que : 1/ ceux-ci qui montrent l’exemple ; 2/ donnent les rênes et 3/ et savent les reprendre pour la sécurité de tous (les espaces sont essentiels). Ce n’est pas un embrigadement mais des logiques de bon sens, reposant sur le respect de l’humain, le matériel et l’environnement, etc., car la condition 0/ est que les chefs doivent être plébiscités. Et ils le sont lorsqu’ils s’enquièrent du bien-être des uns et des autres et qu’il le régule. Les unes et les autres seront ensuite endosser ce même rôle, très simplement.

    Comme la maxime qui voudrait que "chacun ait son con" , dont j’ai horreur. « On est tous un peu con, parfois" mais d’inscrire en position fixe quiconque, m’attriste. C’est une forme de déterminisme de vouloir garder "le fou" à l’état sauvage ou tribal ; autorisant la société à esclavagiser. Tout comme le tuteur aura à son tour besoin de soutien. Bref, si chacun apporte à l’autre, tout en apprenant de lui ; il n’y a ni guerre de clans ni besoin de s’en remettre aux sacerdoces. C’est bien ainsi que le "sauvage" peut espérer accéder à l’ "Humanité", me semble-t-il. Plus besoin de se croire à l’époque des gorilles ou de la préhistoire.

    Le "chef" à l’"autorité" naturelle "non agressive" fait sens. Pour cela, ses critiques/"mises à pied" seront reçues dans leur bienveillance s’il est capable de se les retourner à lui-même. Sa place est alors non seulement reconnue mais par ailleurs demandée en guise guise de sécurisations (le temps de l’autonomie), bien que titillée par moments.

    Sa bienveillance découle d’un pouvoir partagé, sous forme de vérfication des bien-être généralisé et individuels, ainsi que de transmission de son savoir et ses "pouvoirs" (non pas super-pouvoirs mais ce statut différent, perçu plus élevé). Afin que "le fou" s’essaie à l’autonomie, galvanisé par la réassurance d’autrui, et rassuré par le "garde-fou" groupal. De toute façon, une fois expérimentée, l’autonomie appellera à la citoyenneté, la participation démocratique et une forme de normalisation. C’est aussi à partir de là qu’il s’expose et s’explicite mieux, et reçoit un retour davantage positif que ce qu’il vivait par le passé.

    Pour en revenir à mon exemple du début, personne ne sert personne dans le sens de "l’esclavage" ; l’entraide intervient si tous ou la majorité (qui finira par semer les graines du "bonheur de sa liberté, contrainte par celle des autres" parmi les récalcitrants), jouent le jeu d’une société plus juste.
    Voilà, BONNE CONTINUATION.

    Christine