Margny-les-Compiègne

Le GEM de Margny a vu le jour en 2013. C’est donc un des cent GEM les plus récents de France, mis sur pied cinq ans après ceux de Beauvais et de Nogent-sur-Oise. C’est la 3éme structure de ce type créée dans l’Oise, un quatrième GEM étant programmé sur Clermont-de-l’Oise pour janvier 2019 (Appel d’offre de l’ARS lancé au printemps dernier et clos le 28 septembre). Le département de l’Oise est une région où les GEM ne sont pas légion, ce qui peut paraître étonnant au regard de l’importance de l’hôpital psychiatrique de Clermont-de-l’Oise, un des dix plus importants et anciens hôpitaux de France et du fait que ce département est celui où l’on trouve le plus de personnes prises en charge par la psychiatrie (Sources : Les inégalités territoriales en matière de psychiatrie 2011, IRDS). On pourrait donc imaginer que l’éco-système local aurait pu être favorable à l’éclosion de telles structures comme cela se passe dans d’autres régions comme celle de Blois où des dizaines de structures para-psychiatriques ont vu le jour dans le sillon du mythique LaBorde. Tel n’est pas le cas, la ville d’accueil de l’HP n’ayant créé son GEM qu’en 2019, soit quinze ans après l’apparition des premiers GEM.

Un GEM créé ex-nihilo

Le GEM de Margny a été créé ex-nihilo : c’est à dire qu’il ne s’appuie sur aucune structure pré-existante, comme c’est le cas parfois, mais avec aussitôt un très grand nombre d’adhérents. Le lobbying a dû être intense :” même Pôle Emploi nous a envoyé des clients.” nosu rapportera le fondateur. On notera qu’il y a eu le transfert d’une partie de la population, souvent en quête d’une plus grande autonomie, du CATTP (structure médico-sociale avec du personnel soignant répondant à des prescriptions médicales) vers le GEM où ils n’ont plus de comptes à rendre à personne. Les deux se trouvant à quelques encablures de distance, beaucoup des Gémois participent aux activités des deux structures.
Depuis mars 2017, le GEM est présidé par un adhérent ainsi que le veut le cahier des charges entré en vigueur l’année précédente. Permettre à un adhérent de devenir président n’a pas été une chose évidente nous souligne Christophe Thibault responsable de l’ESAT Passage Pro, de l’association « La Nouvelle Forge » : « il a fallut le former et le conseiller pendant six mois avant de le laisser voler de ses propres ailes ». À la fois parrain à titre officiel et président-gestionnaire à titre individuel, monsieur X a été à l’époque obligé de consacrer un jour par semaine à cette activité. Aujourd’hui qu’il n’est plus que parrain, il se contente d’assister au bureau mensuel de l’association dont il est membre de droit et de répondre aux besoins particuliers du GEM dont le président lui téléphone environ une fois par semaine. L’UNAFAM semble occuper une place plus symbolique dans la gestion du GEM, le sous-représentant de la délégué UNAFAM de l’Oise ayant pour principal activité celle d’assister au CA. Quant à l’ARS, les rapports semblent bons mais assez distantes : la secrétaire du directeur se contentant de gérer les affaires courantes. Nous sommes donc très loin des relations conflictuelles qui nous ont été rapportées dans certaines autres régions comme les Bouches du Rhône (« En 10 ans la responsable ARS n’est jamais venu nous voir… l’ARS chez nous c’est une véritable catastrophe »).

Mais un des GEM les plus dynamiques de France

La jeunesse du GEM Margnotin ne l’empêche pas d’être un des GEM les plus dynamiques, autonomes et richement dotés (100 000 € par an contre souvent moins de 70 000 € en moyenne) de tous ceux que nous avons rencontrés, notamment grâce à ses parrains très impliqués dans son développement. C’est également un des rares GEM qui se gère financièrement lui-même, recrutant et salariant les animateurs. Les parrains du GEM (La Nouvelle Forge et l’UNAFAM) avaient même recruté début 2016 un des adhérents comme animateur salarié (ce qui se fait dans quelques 10 % des GEM), mais l’expérience a tourné court au bout de six mois.
Il est fréquenté à 95 % par des habitants de l’Arc (agglomération compiégnoise) et même à 40 % par des habitants de Margny, dont le domicile se trouve donc à moins d’un kilomètre de distance. Ce n’est pourtant pas le coût des transports qui fait hésiter puisque la ville dispose d’un réseau de bus gratuit. Le fait d’avoir une population très locale, comme dans un bar de quartier, est commune à tous les GEM de France, hormis ceux souvent plus spécialisés que l’on retrouve dans les grandes villes ne serait-ce que parce qu’on ne peut y être emmené par véhicule sanitaire, chose qui n’est pas possible dans un GEM, sa fréquentation n’étant pas assimilée à un acte thérapeutique donnant lieu à remboursement. On n’est jamais obligé d’aller au GEM (contrairement à un rendez-vous au CMP qui est plus ou moins obligatoire) et on y va sur un simple coup de tête, sans que cela demande le moindre effort.
Il se situe dans la petite ville jumelle de Margny-les-Compiègne qui jouxte la ville impériale sur la rive droite de l’Oise dans un bâtiment sans charme situé dans le parc de la mairie, abritant également des salles consacrées à d’autres activités sociales : club du 3e age, atelier de peinture… Dès que les beaux jours reviennent, les adhérents se retrouvent dans la petite cour en plein air, relativement à l’abri de la rue et des regards extérieurs. Les populations des différentes structures, se croisent sans vraiment se fréquenter. De même, la population du GEM ne semble pas beaucoup fréquenter le restaurant, situé à une centaine de mètres de là, où déjeune tous les midis une clientèle de cadres urbains bien propres sur eux. Certes le café coûte plus cher qu’au GEM (où il est gratuit), mais c’est aussi un problème de classe sociale plus que d’état psychique nous semble-t-il. La pauvreté ça se sent à 100 mètres… tout comme l’absence d’émulation entreprenariale chez les Gémeurs, qui est souvent autant un marqueur social que la marque du catogan.

Margny la voisine pauvre de Compiègne l’Impériale

Margny, c’est la partie relativement pauvre de l’agglomération compiègnoise, habitée par les cheminots du nœud ferroviaire tout proche, comme en témoigne d’ailleurs le prix du mètre carré. Il se passe d’ailleurs comme si il y avait une répartition géographique très forte du traitement social de la pauvreté : à Margny le 115, les Camions du Cœur, les résidences pour femmes isolées, les foyers thérapeutiques pour enfants autistes, Pole Emploi… À la rue de Paris à l’Ouest du centre ville de Compiégne, les CMP, hôpitaux, Resto du Cœur, structures officielles établies depuis de nombreuses années… à Margny, les nouvelles structures associatives. On note d’ailleurs au fil du temps une migration vers les périphéries du CMP ou du Pole Emploi par exemple qui y ont déménagé ces dix dernières années du centre-ville vers une périphérie plus où moins lointaine… Avec des difficultés d’accès pour les populations pauvres, mais une répartition de la géographie sociale qui semble correspondre mieux aux désirs des classes dominantes et aux ambitions centrificatrices & touristiques de la mairie. Quand les services sociaux restent dans les centres-villes, ça peut poser de nombreux problèmes.
Exemple de la Croix Rouge française des quartiers chics et les tensions suscitées entre migrants venus à la distribution alimentaire et les demeures chics du quartier importunées par le bruit. Quand le voisin, procureur à la retraite, se plaint du bruit des clients de la Croix Rouge, la police municipale n’hésite pas à arriver toute sirène hurlante et armée de flash-ball (Cas vécu en septembre 2018).
Exemple de la rue Notre-Dame de Bon Secours, parfois réputée mal fréquentée à cause de la présence du Secours catholique, ce qui a entraîné une baisse du prix du mètre carré.

30 000 € de subvention du conseil départemental

Le conseil départemental de l’Oise verse chaque année une subvention assez importante qui varie suivant les années de 15 000 à 30 000 € (18 500 € pour 2018). Bien qu’elle ne subventionne quasiment pas le GEM sous forme sonnante et trébuchante, la mairie de Margny le fréquente à intervalles réguliers lors des Assemblées Générales ou à l’improviste. Elle a concédé l’usage de 1 000 m2 d’un jardin potager dans lequel cinq gémeurs se relaient quotidiennement sous la houlette de Valérie, la fameuse cuisinière du GEM, également experte en plantes aromatiques. Quant au petit journal local « Le Margnotin », il fait un article sur le GEM tous les six mois environs. On peut donc dire sans crainte de se tromper que le GEM est un sujet de fierté et une des associations les plus dynamique, d’autant plus dans une agglomération urbaine où la politique culturelle pour les classes moyennes et défavorisées est assez spartiate (spectacles très chers organisés par la municipalité, peu d’activité pour les jeunes).

« On y vient pour l’ambiance, la bonne bouffe et les parties de carte »

Tout le monde s’entend bien au GEM, se fréquentant souvent depuis plus de cinq ans (dix adhérents semblent constituer le noyau des anciens, c’est à dire de ceux ayant participé à l’expérience depuis ses débuts. Preuve de la bonne ambiance, des relations interpersonnelles assez fortes se sont tissées entre les adhérents. il y a d’ailleurs eu un mariage en 2017, événement encore assez rare dans les GEM puisque l’étude de l’ANCREAI portant sur 25 GEM n’en a recensé qu’un seul (pour notre part nous avons plutôt un quart des GEM où il y a eu des mariages, ce qui s’explique par le fait que nous avons mené des entretiens beaucoup plus poussés que les enquêteurs de l’Ancreai (trois heures par GEM contre une heure pour l’Ancreai). Les disputes y sont assez rares et si la discussion, qui est souvent animée, s’engage sur un terrain glissant comme l’immigration, l’animatrice s’arrange pour aplanir les rugosités des propos et inviter chacun à un peu plus de tolérance. En cinquante heures de présence, nous n’y avons pas vu la moindre conversation s’envenimer. Au contraire, chaque adhérent qui franchit la porte du GEM est chaleureusement accueilli tandis que l’on s’inquiète d’un autre qui n’est pas venu depuis plusieurs jours. Les adhérents moins mentalement en forme sont gentiment pris en charge par un autre membre qui va prendre soin d’eux et de leur bien-être. Beaucoup des Gémeurs se fréquentent également en dehors du GEM, ne serait-ce que par qu’ils habitent à quelques centaines de mètres l’un de l’autre. Et il n’est pas rare qu’une partie de cartes se poursuive dans l’appartement de l’un d’entre eux.
Pas de SDF au GEM
L’ambiance du GEM est très différente de celle du local du 115, situé à quelques centaines de mètre de là, où les disputes sont fréquentes. Il faut dire qu’il n’y a pas d’animateur là bas et le public est beaucoup plus brut de décoffrage... la moindre mésentente pouvant vite dégénérer en bagarre. Le local du 115 est moins protégé des regards puisque il s’agit d’une vitrine qui permet à tous les passants de voir ce qu’il se passe dans le local.
C’est pour ça d’ailleurs que le GEM de Compiègne, comme la plupart des autres GEM et comme il est indiqué dans leur cahier des charges, n’est pas ouvert aux SDF. La population des GEM, bien qu’elle soit en-dessous du seuil de pauvreté, ne se mélange pas aux autres précaires et ne fréquente pas leurs lieux : nous n’avons trouvé qu’un grand précaire, pas SDF d’ailleurs mais simplement très en dessous du seuil de pauvreté, qui fréquentait à la fois les Camions du Cœur et le GEM. Il faut dire que Compiègne est une ville relativement privilégiée dans l’accueil des SDF, même si, en revanche, elle refuse systématiquement de les accueillir dans ses unités psychiatriques. Alors que dans certaines grandes villes, des équipes de maraude psychiatrique fonctionnent 24 heures sur 24, à Compiègne, la seule intervention psy consiste en la venue d’une psychologue volante de l’ADARS (Association d’Accueil et de Ré-insertion Sociale) une fois par semaine au Café Sourire du Secours Catholique.

Les activités du GEM

Une des activités essentielles du GEM de Margny consiste à se nourrir. Dès l’ouverture des portes du local à 11 heures, Valérie, une adhérente, ex cuisinière professionnelle, prend en charge la préparation du repas de midi qui a lieu tous les jours pour dix à quinze couverts la plupart du temps. Trois ou quatre adhérentes s’y consacrent chaque jour, Valérie élaborant des recettes sans cesse renouvelées en prenant en compte les spécificités de la livraison du jour : prédominance de carottes ou de choux de Bruxelles par exemple. C’est une des caractéristiques du GEM de Compiègne de déjeuner tous les jours ensemble, rares étant les autres GEM fournissant un repas quotidien (dans certains autres ce repas est remplacé par la distribution d’aide alimentaire type Resto du Cœur, ce qui, on en conviendra, favorise moins la convivialité). Si le GEM a pu mettre en place ces repas, qui constituent son atout phare, c’est grâce à un partenariat avec le supermarché Naturalia qui lui donne chaque jour en fin de journée ses produits atteignant la date de péremption. Ceci équivaut à 30 000 € de dons alimentaires par an et fournit ainsi l’ensemble des ingrédients nécessaires à un repas pour dix personnes qui chacune verse une contribution libre. L’argent ainsi récolté par la contribution volontaire des adhérents permet de financer les sorties du GEM. Quand il y a vraiment besoin d’argent, les adhérents n’hésitent pas à mettre la main à la pâte en vendant des confitures sur le marché ou en participant à des vide-greniers. L’introduction de ce repas quotidien a fait doubler le nombre de Gémeurs venant quotidiennement au GEM.
Avec Alain, Valérie est l’autre cheville ouvrière du GEM, sans laquelle celui-ci n’aurait pas tout son dynamisme. Les autres adhérents sont souvent beaucoup plus en retrait et se contentent de participer, sans prendre eux-mêmes beaucoup d’initiatives. Mentionnons cependant la forte implication de Françoise, la trésorière qui, si elle est moins présente au GEM, effectue un important travail de l’ombre d’où l’importance de la réunion hebdomadaire du mercredi où l’on propose et prépare les activités à venir. À chaque fois, les rôles sont distribués entre des membres, qui pour être le président de séance, qui pour noter le compte-rendu. La réunion hebdomadaire est également l’occasion d’encourager chacun à participer à la prise de décision commune, de ré-apprendre à collaborer et à prendre des initiatives, la fameuse éducation à la démocratie et à la citoyenneté dont parlent tant les textes réglementaires des GEM. Bien que le GEM se défende de faire du soin, les animateurs sont soucieux de donner une forte orientation psycho-éducative et bien-être aux activités proposées : travail sur la mémoire, structuration de la pensée mais aussi sens de l’organisation et de la prospective.
Après le déjeuner, des parties de cartes sont organisées à peu près tous les jours, tandis qu’ont lieu une fois tous les deux jours en moyenne des activités souvent sous la houlette de bénévoles : relaxation, dictée, revue de presse… Et quand y’a pas, il se trouve toujours quelqu’un pour proposer une marche en forêt, loisir gratuit et vivifiant (même si, de manière générale, les Gémeurs compiègnois n’aiment pas beaucoup le sport, contrairement à leurs comparses de Mont-de-Marsan, fans de Paintball). Deux ou trois fois par an, le GEM organise des séjours de vacances sur un week-end prolongé et à quelques centaines de kilomètres de distance. Le GEM a, pendant quelques années, publié un journal plus ou moins trimestriel, comme le font de très nombreux GEM et clubs thérapeutiques. Mais il a cessé de paraître voici trois ans, faute de combattants. Le GEM n’a pas non plus une fibre très artistique, contrairement à la plupart des GEM qui regorgent souvent d’artistes plasticiens et de poètes. À Compiègne, on préfère souvent une bonne partie de belote.
Prés d’une centaine d’adhérents contre quarante-cinq en moyenne dans les GEM
Le GEM a dès la première année eu une petite centaine d’adhérents, le chiffre restant stable d’une année sur l’autre et correspondant d’ailleurs au nombre moyen d’adhérents que l’on trouve dans chaque GEM. Sur ces cent adhérents une petite moitié viennent au moins une fois par semaine, dont cinq quasiment tous les jours. Cela correspond à une moyenne de quatorze personnes par jour qui occupent facilement les trois pièces du local : au-delà de vingt-cinq personnes, le degré de saturation des locaux est largement atteint. Parmi eux, une forte proportion de femmes d’environ 70 ans, plutôt en forme psychiquement, pour qui le GEM semble constituer une alternative plus dynamique que les groupes de retraités. Si la plupart des Gémeurs sont inactifs, il y a cinq ou six salariés d’ESAT ainsi qu’un auto-entrepreneur pâtissier. C’est spécialement pour ce public d’actifs que le GEM ouvre en soirée un jour par semaine, ainsi que le samedi. On trouve bien sûr comme quasiment dans tous les autres GEM pas de moins de 30 ans, la moyenne d’âge tournant plutôt autour de 55 ans.
À raison d’une ou deux organisées chaque semaine pour une dizaine de personnes, les sorties sont en grande partie financées par le paiement des repas. En effet, une fois toutes ses charges payées (local, animateurs, expert-comptable...), le GEM ne dispose plus que de 500 € de budget par mois pour les financer, ce qui est un peu juste quand il faut payer les entrées aux spectacles, les frais de bouche, Les frais d’essence (100 € par mois faisant l’objet d’une comptabilité à part). Une contribution exceptionnelle de l’Association nationale des Chèques Vacances a permis de financer un séjour de quatre jours dans le Morvan. Quand l’argent manque, la mairie rajoute les quelques dizaines d’euros qui permettent au GEM de faire la jonction.

Un budget de 110 000 € par an

Le principe est donc que chaque adhérent souhaitant participer à une sortie paye la moitié du coût de celle-ci (en général 2 à 5 €), l’autre moitié étant abondée par le GEM. Il va sans dire qu’avec cette somme, il n’est pas question d’assister à des spectacles coûteux ou de partir à l’autre bout de la France dans des hôtels 4 étoiles. Une grande partie des efforts de l’animateur consiste donc à négocier des activités gratuites et à trouver des bénévoles pour proposer des activités, avec parfois des cadeaux de grande valeur offerts par certaines entreprises, comme le repas gratuit offert par le restaurant de Bernard Loiseau aux Gémeurs en séjour dans le Morvan. On est loin du GEM Micro-Sillon de Toulouse qui lui arrive à financer des voyages en Russie, grâce l’appel à la générosité, mais la situation est bien meilleure qu’au GEM de Nogent sur Oise parfois impécunieux au point de plus pouvoir organiser la moindre sortie. Malgré des moyens limités le GEM arrive à garder chaque année des provisions qui lui ont permis cette année d’acquérir un véhicule de transport collectif pour la modique somme de 27 000 €. Cela lui a cependant valu quelques houleuses discussions avec l’ARS locale, pas du tout contente que le GEM ait pu thésauriser une telle somme. Beaucoup de GEM arrivent ainsi à mettre de l’argent de côté pour investir dans du gros équipement, l’exemple le plus extrême que nous ayons rencontré étant celui du GEM de Fontenay aux Roses qui a ainsi investi 100 000 € dans la création d’une friperie ou du GEM de Nantes qui a carrément réussi à investir 400 000 € dans son local (prêts bancaires compris). La participation à la vie locale (sapin de Noël de la mairie…) représente une part importante des activités, afin de faire participer les adhérents, comme indiqué par le cahier des charges, à la vie citoyenne. S’il organise aussi 2 fois par an des rencontres avec d’autres GEM, on notera en revanche que le GEM de Margny ne se mélange quasiment pas à d’autres groupes sociaux (pour faire des randonnées avec des non-Gémeurs par exemple). Les animateurs me disent à ce propos craindre que la confrontation à d’autres publics ne risque d’être dommageable psychiquement. C’est une politique qui semble très différente de celle pratiquée dans d’autres GEM où au contraire le mélange des Gémeurs à la population est plutôt encouragé (comme à Micro-Sillon, GEM axé autour des voyages et d’une émission de radio). Nous sommes dans un GEM relativement protecteur et paternaliste, comme l’exprime le président lui même, s’estimant « en charge de ses adhérents ». Les avis sont d’ailleurs partagés à ce propos parmi les GEM que nous avons rencontrés. Certains GEM insistent sur leur rôle protecteur auprès de leurs adhérents, d’autres militent pour plus d’insertion dans la vie sociale, avec les quelques risques que cela peut comporter.

Deux animateurs en temps normal

Le GEM est prévu, comme l’indiquent d’ailleurs les textes de loi de 2016, pour fonctionner avec deux animateurs, ce qui n’est pas toujours le cas, lorsqu’un animateur met fin à son contrat par exemple. Il peut, bien sûr, dans ce cas ne fonctionner qu’avec un seul temps plein, comme le font encore aujourd’hui 20 % des GEM. Mais cela le freine considérablement puisque l’animateur restant n’a plus le temps de faire le travail administratif et les relations avec l’extérieur, essentielles pour arriver à trouver de nouvelles activités et sources de financements. Le président et l’animateur-coordinateur travaillent en permanence main dans la main, passant chaque jour une heure ou deux à gérer le quotidien du GEM. D’ailleurs, le principal animateur-coordinateur passe une grande partie du temps dans son bureau en négociation et discussion, non simplement pour le GEM mais aussi pour s’occuper des cas précis de chaque Gémeur (problèmes de voisinage de l’un d’entre eux, attribution de chèques vacances pour un autre). C’est ainsi qu’il joue un peu le rôle d’assistante sociale de proximité, puisque qu’il connaît bien mieux les adhérents que l’assistante sociale du CMP, qui ne les fréquente que de loin, ayant à charge beaucoup plus de dossiers et n’arrivant pas toujours à faire preuve d’une redoutable efficacité.

Portrait : Alain Marliére, le président-adhérent en pleine ascension

Ancien sous-officier d’active blessé en opération, Alain Marliére a été mis en invalidité en 2011, il a passé quelques années de très grande déprime avant d’adhérer en 2013 au GEM de Margny qui venait de se créer. Au bout de trois ans, il s’est mis à prendre des responsabilités qui se sont développées d’année en année pour finalement devenir en mars 2017 le président élu du GEM. Les responsabilités se sont alors enchaînées de façon très rapide, puisqu’il est devenu successivement vice-président du CNIGEM, puis président du comité d’éthique du Centre Hospitalier Isarien (l’Établissement Public de Santé Mentale de l’Oise). Alain est constamment en déplacement, sur le pied de guerre en permanence de 5 heures du matin à minuit, avec un agenda de ministre. Le GEM et la santé mentale sont devenus sa raison de vivre. Ce pouvoir reste cependant sous un certain contrôle des parrains qui ne se priveront pas toujours de le remettre à sa place et de lui rappeler qui l’a fait roi. C’est tout le problème d’avoir un parrain fort qui veille sur votre sort et prend soin de vous, il vous aidera beaucoup plus qu’un parrain isolé, comme l’est Argos2001 pour le GEM de Nogent sur Oise. En échange, le parrain risque d’être davantage sur votre dos, considérant un peu le GEM comme sa copropriété. De son côté, le président a parfois un peu tendance à se laisser aller à se prendre pour « quelqu’un d’important » et à présumer de ses forces. Mais quoi de plus normal quand on est parti de si loin ?
Alain n’en est pas encore là et il considère l’Allocation d’Adulte Handicapé comme son salaire et son activité dans la santé mentale comme une « façon de remercier la société ». Il veut continuer d’agir dans le domaine de la santé mentale en tant que professionnel bénévole et envisage, dans quelques années, de devenir consultant en organisation de GEM, toujours à titre bénévole. Il n’a en tout cas aucune envie de revenir dans le monde du salariat classique et n’échangerait sa vie actuelle contre rien au monde.

Messages

  • Bonjour,

    Excellent article, fidèle à ce qu’était le GEM fin 2019. Quelques petites modifications : l’UNAFAM n’est plus parrain du GEM, la convention avec Naturalia à été résiliée, depuis environ un an. Par ailleurs, le parrain la NF laisse les personnes suffisamment s’émanciper dans et hors du GEM, et je ne suis pas certaine que le Président-adhérent souhaite devenir ’’ consultant bénevole sur la vie des GEMs’’.