Resituer les GEMs dans tout le maillage socio-sanitaire de la santé mentale

On ne pourra pas non plus faire l’économie de nous intéresser à la population des deux millions de personnes suivies par les CMP, les SAMSAH, les MDPH ou aux 850 000 personnes mises sous tutelle ou curatelle renforcée dont sont issus la presque totalité des Gémois. La majorité des gémeurs quand ils ne sont pas suivie par le privé, ce qui reste une minorité, fréquentent un CMP, qui est souvent leur autre grand interlocuteur. La plupart des Gémeurs sont suivi par un CMP à raison d’une fois par mois, voire tous les trois mois, les moins « stabilisés », suivant la terminologie en vigueur, ayant même un rendez vous tous les quinze jours. Une partie de notre étude va donc consister à étudier comment ces différents services travaillent main dans la main, se fréquentent à intervalles plus ou moins réguliers, même s’ils sont censés n’avoir aucun lien trop formel ou du moins être complètement indépendant les uns des autres. C’est l’injonction du cahier des charges de nouer des partenariats avec les structures sanitaires et médico-sociales qui est plus ou moins remplie selon les GEMs, certains préférant avoir le moins de contact possible avec ce milieu qu’ils abhorent. Tous les GEMs ne participent pas aux grandes messes de la santé mentale et sur les trente collectifs qui participent chaque année aux semaines de la santé mentale, seuls la moitié comptent un GEM dans leur effectif. Un tiers des GEMs qui pourraient être impliqués dans la manifestation y participent réellement.

Les GEMs têtes de pont de la prise en charge

Dans notre hypothèse, les GEMs sont destinés à devenir la tête de pont du réseau de prise en charge des gémeurs en tant que collectif, les autres continuant à être suivis par le système médico-social classique. Je dis bien collectif, car officiellement les GEMs ne doivent pas faire de prise en charge individuelle, celle-ci devant rester l’oeuvre des structures classiques, dans la répartition des tâches imaginée par nos bureaucrates. En fait, on s’apercevra rapidement que le GEM, s’il en a le temps (grosso modo s’il a deux animateurs à temps plein), va consacrer un temps considérable à répondre à des besoins individuels. Ainsi, au GEM de Margny où nous avons passé de nombreuses journées d’observation, nous avons pu voir que le président et l’animateur du GEM étaient souvent la moitié de leur temps de travail en entretien individuel avec des gémeurs pour des problèmes de logements,une entrée en ESAT...

ESAT, CATT, CMP, même combat

Dans notre étude nous avons choisi de comparer les GEMs à ce qui semble les formes les plus proches des GEMs, c’est à dire les ClubHouse et les club thérapeutiques (association, autogestion, mise à distance du pouvoir soignant).

On pourra éventuellement élargir cette comparaison aux hôpitaux de jour, aux CATTP, ESAT fréquentés par quelques gémeurs mais de façon moins fréquente (si les 3/4 des gémeurs sont clients d’un CMP, seul un dixième environ fréquente chacune des autres structures et de façon plus ou moins régulière. De façon générale, les patients en hôpitaux de jours ou en CATTP ne sont pas encore considérés comme assez stabilisés pour pouvoir fréquenter un GEM (risque de crises, difficultés relationnelle, violence…). Quant aux quelques 10 % de salariés protégés fréquentant un ESAT, ils ont rarement le temps de se rendre au GEM, hormis quand celui-ci est ouvert le WE, ce qu’il doit faire officiellement deux fois par mois. Très rares sont les salariés qui ont le temps de s’y rendre plusieurs fois par semaine, condition indispensable à notre avis pour pouvoir être considéré comme un vrai gémeur. La reprise d’une activité professionnelle est d’ailleurs une des principales causes de la sortie de GEM, avec la relation amoureuse, le retour à l’hôpital ou la reprise d’une addiction.

Un parcours bien balisé

Les GEMs sont la suite plus ou moins logique d’un parcours psychiatrique qui a commencé entre les quatre murs d’un HP pour se poursuivre ensuite de l’hôpital de jour au CATTP et se terminer définitivement dans un GEM, acte final du parcours psychiatrique avant l’éventuel retour à la vie civile. GEMs et Club Houses proposent certes un concept beaucoup moins médical que les hôpitaux de jours ou les CATTP qui ne sont que la prolongation par d’autres moyens de l’HP, mais ils restent des outils de gestion psychiatrique. On peut même subodorer que c’est un peu pour désengorger les CMP que les GEMs ont vu le jour. Il ne se passe pas d’ailleurs un jour ou deux sans que l’animateur de certains GEMs proches des institutions médicales (alors que d’autres ont plutôt tendance à refuser le contact), soit obligé d’appeler le CMP pour un de ses adhérents.

Donc, paradoxalement, le GEM est censé n’avoir aucun rapport officiel et institutionnel avec le CMP, et dans la réalité celui-ci est devenu un de ses plus grands interlocuteurs mais aussi sa soupape de sécurité. Il faut dire que la vie en CMP qu’a si bien décrite Livia Velpry a beaucoup changé depuis « Le quotidien de la psychiatrie » et l‘adoption en 2011 de la loi sur les soins sous contrainte, les rapports entre usagers et soignants étant souvent devenus plus tendus. On comparera d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt l’ambiance en CMP que décrit Livia Velpry et celle que nous avons pu observer sur le terrain (enquête de 2017 pour "Psychiatria Delenda Est") avec une multiplication des salles de soins pour l’administration des injections retards, un engorgement toujours plus grand des salles d’attente (alors qu’en 2010 les rendez-vous s’obtenaient dans la semaine, il faut maintenant plus de six mois souvent pour en obtenir un).

On observe de fait un déplacement de population des CMP de façon générale vers les GEMs, les CMP ne pouvant plus tenir le rôle de lieux de vie que certains avaient autrefois avec un espace cafet, un budget sortie, des infirmiéres à l’écoute… On a vu l’exemple sur la ville de Compiègne, notre terrain de pré-enquête où les rendez-vous dans le CMP étaient donnés quinze jours à l’avance en 2008 contre quatre mois à l’avance en 2018. À Angers, nos collègues d’Humapsy nous ont signalé la fermeture d’un CMP et d’un club thérapeutique, remplacé par des GEMs. Dans plusieurs autres villes, c’est tout le budget activité du CATTP qui a été transférée vers le GEM. 

Pour aller plus loin :

Et pour vous, quelle est la situation dans votre GEM ? Dites-le nous dans le formulaire ci-dessous en n’oubliant pas de préciser quel est votre GEM.

Messages

  • Commentaire reçu d’une lectrice en message privé et reproduit anonymisé mais avec son autorisation :
    En lisant l’article, je ne reconnais pas trop mes adhérents. Je vais noter à plat…
    Les deux GEMs ont peu de rapports avec le CMP ou le soin. Ma collègue à Montauban idem…
    J ai des liens avec les partenaires certes mais pas basés santé
    Sur mes 19 adhérents, seuls 4 sont suivis par un Samsah. Les autres ne dépendent d aucune structure et vont en camp 1fois par mois ou par trimestre.
    D accord pour dire qu’ on est le maillon final de la psy ; le gem étant à la base pour eux, devenu un lieu pour toute personne ayant une problématique de santé….nous sommes en qq sorte « une veille », ce qui permet de dire que l animatrice est plus accompagnatrice que animatrice
    Le lien avec le cmp est incontournable, la santé des gemeurs n est pas des plus stables et face à certains comportements ou symptômes, il est demandé au gemeurs d aller voir son médecin ou cmp…
    Une personne instable ne peut pas rester au gem, soyons honnêtes, elle met en péril les adhérents.
    Si les miens sont forts avec le cmp, cela peut montrer le manque de formation, la solitude des animatrices.
    Mais bcp de gemeurs refusent de parler soin au cmp..ils veulent une vie normale
    D où la difficulté de se positionner…D où le rôle de l animation…qui fait de la prévention parfois…
    Je suis d accord pour dire que le GEM à pris la suite du cmp quant aux activités. Les ressources financières du CMP ont diminué, aujourd’hui mes collègues de CMP dans le département, estiment avoir 50€ pour des activités par mois, moi j en ai 500 ».
    D accord avec les soins retard en CMP aussi, bien vu sur mon terrain aussi…

    Vrai aussi les relations GEM et CMP tendues pour le patient, certaines pathologies faisant du bon ou mauvais sujet…parfois, le gem vaut rien et le CMP oui, parfois inverse…idem les tuteurs peuvent être des,mauvais objets