Se détacher définitivement de la santé mentale
"Quand j’entend le mot santé mentale, je sors mon pistolet et je tire"
Si les GEM sont des associations d’adhérents citoyens (ce sur quoi insistent énormément les cahiers des charges), ils restent pourtant financés par les ARS, mais aussi sous une certaine tutelle déguisée des structures médico-sociales ou des associations spécialisées dans la santé mentale. Leur liberté est d’ailleurs largement sous contrôle puisque, comme on l’a vu lors de la crise du Covid, ce sont les animateurs et les autorités sanitaires qui ont repris les choses en main, au grand dam de l’UNAFAM.
Très rares sont les GEM qui ont choisi comme parrain ou gestionnaire des organismes œuvrant davantage dans le contexte du social en général ou de l’éducation populaire. Cela serait pourtant tout à fait logique puisque les GEM ont pour vocation de s’écarter au maximum des carcans médicaux pour donner aux Gémeurs le droit commun. De même, dans l’écriture du cahier des charges, toute référence à la fragilité du public des GEM est à proscrire, tout comme dans la presse le fait que les GEM sont faits pour un public d’handicapés psychiques : à qui le dire, les visiteurs s’en rendront compte bien assez tôt en se rendant sur place.
Se dégager de l’univers de la santé mentale pourrait pourtant apparaître comme presque aussi important que de se dégager de l’emprise des soignants. Libérés dans leur mode de vie, puisqu’ils ne sont plus soumis aux soignants, les Gémeurs restent prisonniers dans leur tête puisque leur liberté leur est octroyée au nom de la santé mentale. Où qu’ils se tournent, ils sont renvoyés à leur condition d’ex-psychiatrisés. Pire, ils sont même très souvent sollicités pour participer à la communication de la firme santé mentale qui, en participant à l’organisation des semaines de la santé mentale, qui en allant présenter leur GEM dans les écoles d’infirmières ou tenant la canne de monsieur le maire.
Nous n’en avons rencontré que cinq pour l’instant : à Redon (Bretagne), à Angoulême (Charente), Coutance (Manche) et Avignon (Vaucluse). Et encore, celui d’Avignon reste-t-il parrainé par l’UNAFAM. Ces GEM sont respectivement parrainés par un CCAS, le, un Réseau d’Echange de Savoir, les Pupilles de l’Enseignement Public et le Comité d’Action pour les Sans Abri.
Si le vôtre, lui aussi, n’est ni géré par une structure médico-sociale ni par une organisation de la santé mentale, dites-le nous, ça sera le thème de notre prochain dossier.
Ps : Je sais pertinement que cette posture est intenable puisque le cahier des charges insiste énormément sur l’importance d’avoir des liens forts avec les structures médico-sociales avant tout. Comme le souligne Pascale Molinier : Le GEM est autonome par rapport aux structures médicales – le GEM n’est pas un lieu de soin psychiatrique – mais il est interdépendant par rapport aux réseaux mentionnés plus haut. Ces réseaux forment des ensembles. Aussi le GEM ne peut en aucun cas être autosuffisant et doit en permanence créer son propre ensemble en cultivant les relations avec le secteur, l’ARS, le département, les services médico-sociaux et les dispositifs sociaux et culturels qui l’entourent. L’association « À plaine vie » , Molinier Pascale, « Dans tous les virages », Chimères, 2019/2 (N° 95), p. 138-147. DOI : 10.3917/chime.095.0138. URL : https://www.cairn.info/revue-chimeres-2019-2-page-138.htm